Au Bas-Empire romain, avec les Grandes invasions, la question de la nationalité s'est posée à toutes les juridictions ayant eu à connaître des causes qui impliquent des personnes de diverses origines qui déclinent le droit romain et se réclament de leur propre droit.
Depuis la période gauloise, la notion d'appartenance à un État n'avait pas vraiment de sens pour ceux n'ayant pas de lien politique avec lui comme les chefs ou les seigneurs : on s'identifiait à sa tribu, à son pays et le Français du haut Moyen Âge sera de son village, à la limite de sa région. On suit la condition de ses parents et pour les femmes celle du mari. Étranger désigne celui qui n'est pas du pays. Il peut cependant s'y établir et être naturalisé en se recommandant à un seigneur pour devenir son sujet. Ce que l'on appelle la nationalité n'est alors pas une qualité individuelle mais collective ou communautaire: l'individu doit s'affilier à une communauté qui lui donne sa nationalité, c'est-à-dire son statut personnel civil.
Les vrais étrangers, ceux venant en groupes de pays étrangers à la France et ne relevant donc pas d'une coutume locale, dépendent directement des services du roi considéré comme leur seigneur et leur reconnaissant un statut avec des représentants, des juridictions (ce statut peut être général, statut des aubains, ou particulier comme pour certaines communautés de migrants étrangers ou des Juifs auxquels est accordé l'hospitalité).
Les seuls textes régissant les rapports entre Gallo-Romains et Francs sont des lois égalitaires adoptées vers 510.
C'est par la jurisprudence sur la question du « vice de pérégrinité », c'est-à-dire l'impossibilité où est un étranger dont la condition civile n'est, par définition, pas réglée par les statuts et coutumes de France, que la naissance en France de parents étrangers permet de bénéficier du droit de leur succéder (la pratique de l'exclusion des étrangers de ces droits connaîtra cependant un ralentissement au xviiie siècle). Par un arrêté du Parlement de Paris en date du 23 février 1515, n'est désormais plus considéré comme aubain tout enfant né de parents légitimes étrangers sur le sol de France, à condition d'y avoir toujours résidé jusqu'au moment de l'ouverture de leur succession. Le 7 septembre 1576, le Parlement de Paris prend un arrêt solennel, l'arrêt Mabile, qui reconnaît comme française une fille né en Angleterre de deux parents Français [réf. souhaitée]. C'est une extension du jus soli, droit du sol, à un statut civil national des personnes qui commence à se dégager par une synthèse des droits locaux.
On peut accorder depuis longtemps déjà la nationalité française à des étrangers. Depuis au moins le règne de François Ier, ces naturalisations sont une prérogative royale, comme tout ce qui touche au changement de la condition des personnes. Entre 1660 et 1789, une étude fait état de 6000 lettres patentes accordées.
À partir de la Révolution2, les règles concernant la nationalité sont définies par les Constitutions successives, même si celles-ci ne parlent explicitement que de la citoyenneté.
On peut noter cinq étapes importantes : un décret du 2 mai 1790 sur les naturalisations ; la Constitution de septembre 1791 ; la Constitution d'août 1793, dont les dispositions de droit civil restent valables jusqu'au 22 septembre 1795 malgré sa suspension en octobre 17933 ; la Constitution de septembre 1795 ; la Constitution de décembre 1799 (An VIII).
D'une façon générale, la nationalité française continue de reposer à cette époque sur la naissance et la résidence en France, comme l'indique par exemple l'article 2 de la Constitution de l'an VIII : "Tout homme né et résidant en France qui âgé de 21 ans s'est fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement, et qui a demeuré depuis pendant un an sur le territoire de la République, est citoyen français"4.
À la différence de l'Ancien Régime, l'accès à la qualité de Français n'est plus soumis à l'autorité de l'État : il suffit que les conditions exigées a priori soient remplies. Certains des textes cités ne laissent pas la liberté du choix aux intéressés.
Ainsi, le décret de 1790 indique que les étrangers « seront réputés Français et admis, en prêtant le serment civique, à l’exercice des droits de citoyen actif après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en outre, ou acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce ou reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie ». Ce décret implique une naturalisation automatique des personnes remplissant les conditions ; le serment civique ne concerne que l'accès à la citoyenneté active.
La Constitution de 1791 reprend le décret de 1790, mais la naturalisation n'est plus imposée : le serment civique est une condition nécessaire ; l'automaticité est rétablie en 17936, puis supprimée en 1795.
Le Code civil introduit une nouveauté radicale en ce qui concerne le fondement de la nationalité (qui après 1803 ne relève plus de la Constitution) ; en revanche, il ne change pas les règles de naturalisation.
En 1804, c'est avec l'unification du droit civil dans le code civil des Français qu'on peut véritablement parler d'une « nationalité française ». Après les lois de naturalisation automatique de 1790 pour tous les étrangers ayant au moins 5 années de résidence en France, le code Napoléon impose la notion moderne de nationalité à la France, mais également au reste de l'Europe.
« En rupture avec la tradition » et contre le souhait de Napoléon Bonaparte lui-même (qui voulait que toute personne d'origine étrangère avec une éducation française soit français.)7,8, le code civil donne la primauté à la filiation. La nationalité est désormais un attribut de la personne qui se transmet par filiation paternelle et ne dépend plus du lieu de résidence.
L'article 18 stipule qu'une femme française épousant un étranger perd la qualité de Française et prend la nationalité de l'époux (disposition valable jusqu'en 1927 : exemple : les mères d'Emile Zola, de François Cavanna, de Jean Ferrat).
Le Code civil conserve toutefois un élément de droit du sol : l'enfant né en France de parents étrangers peut obtenir la qualité de Français en la demandant dans l'année qui suit sa majorité (article 9 du Code Napoléon). Cette possibilité sera peu utilisée, mais on peut citer l'exemple d'Emile Zola en 1861.
Le Code Napoléon ne contient pas de dispositions sur la naturalisation, car celle-ci ne relève pas du droit civil. En revanche, il établit un statut de domicilié (ou « admis à domicile » qui est intermédiaire entre ceux d'étranger et de citoyen français.
La guerre occasionne un certain nombre de changements dans les questions relatives aux étrangers immigrés, dont le nombre augmente considérablement, la France devant faire appel à la main d'œuvre étrangère de façon systématique (ainsi qu'à des travailleurs coloniaux).
Le 2 août 1914, jour de la déclaration de guerre à l'Allemagne, est instauré le permis de séjour pour tous les étrangers ; le 3 août, on rétablit les passeports (avec visa) pour entrer en France. À la suite des contrôles subséquents, à la fin de 1914, 45 000 étrangers se trouvent internés dans des camps11. À partir de 1916, les étrangers doivent tous être porteurs d'une carte d'identité.
D'autres mesures concernent les naturalisés originaires des pays en guerre contre la France. La loi du 7 avril 1915 (complétée le 18 juin 1917) décide la révision et la possibilité de révocation de toutes les naturalisations de ce type et de toutes les naturalisations postérieures au 1° janvier 191312. Sur 25 000 révisions, 549 aboutissent à une déchéance de nationalité française et environ 8 000 à un internement13.
Malgré la saignée démographique de la Grande Guerre, les députés français attendent le 10 août 1927 pour adopter une loi d'assouplissement des naturalisations. Cette nouvelle procédure permet un doublement du nombre de décrets pris chaque année.
Le débat qui s'ouvre à cette époque n'est pas propre à la France mais implique au contraire une influence étrangère majeure : les théoriesracistes issus d'une certaine vision du darwinisme. Ces théories clairement racistes qui parviennent à influencer l'adoption de lois des États-Unisà l'Allemagne et du Canada à l'Italie ne touchent pourtant pas la France.
L'immigration atteint des sommets, et le maintien du principe de terre d'accueil est parfois impopulaire en temps de crise ; c'est le cas dans lesannées 1930 où les réfugiés fuyant les régimes communistes ou autres, sont perçus comme un facteur d'aggravation du chômage qui sévit depuis la crise de 1929. Des lois de préférence nationale sont alors adoptées, comme cette loi d'avril 1933 réservant la pratique de la profession de médecin aux Français. Le même type de mesure est pris pour les avocats l'année suivante.
Malgré ces réactions corporatistes, la France reste tout de même une terre d'accueil et à l'approche de la guerre, dès le 12 avril 1939, undécret-loi invite les étrangers à rejoindre l'armée française, naturalisation à la clé. En outre, tous les bénéficiaires de l'asile politique sont soumis à la conscription. On bat à cette époque tous les records en matière de naturalisation, notamment en raison du ralliement de nombreux réfugiés d'Espagne et de pays d'Europe centrale bouversés par les révolutions et la guerre, mais surtout du flot d'Italiens qui représente près de 60 % de ces naturalisés de la vague 1939-1940.
Alibert, ministre de la justice, crée le 22 juillet 1940 une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. 15 000 personnes, dont 40 % de Juifs, sont déchues de leur nationalité. La loi du 23 juillet 1940 déchoit de leur nationalité tous les Français ayant quitté le territoire national sans l'autorisation du gouvernement. C'est une reprise d'une loi nazie adoptée en Allemagne dès 1933. Elle vise surtout à punir symboliquement ceux qui ont rejoint de Gaulle. En revanche, Vichy met en place un système de dénaturalisation afin de « rectifier les erreurs du passé ».
Deux écoles dominent alors les débats dans les couloirs de Vichy : les « restrictionnistes » et les « racistes ». Entre 1940 et 1944, les débats sont vifs sur ces questions, et le Bureau des Sceaux du ministère de la Justice repousse par exemple le 22 avril 1941 la mise en application du système de tri raciste rappelant que cela ne correspondait en rien à la tradition française en matière d'immigration mais aussi d'approche de l'individu. En effet, en pleine occupation nazie, le ministère de la justice du gouvernement de Vichy produit un réquisitoire contre la pertinence du modèle raciste. Le Commissariat général aux questions juives qui voit le jour le 29 mars 1941 revient à la charge sur ces thèmes et propose notamment de ne plus naturaliser les étrangers de confession israélite. Le Ministère répond par la négative à ces demandes, et le Commissariat n'insiste pas[réf. souhaitée].
C'est le ministère des Affaires étrangères qui transmet finalement l'ordre au ministère de la Justice de procéder à des aménagements visant à ne pas accorder la nationalité française aux enfants juifs nés en France de parents étrangers. Le ministère de la Justice refuse cette dernière demande mais concède à restreindre les droits à la naturalisation pour les étrangers de la première génération, nés à l'étranger. Mais le ministère de la Justice profite des remaniements ministériels pour faire traîner les choses jusqu'au 15 août 1943, date du vote de la nouvelle loi sur la nationalité. C'est une loi clairement « restrictionniste » mais qui préserve les droits de la deuxième génération, née en France[réf. souhaitée].
Si les Juifs étrangers sont en principe seuls visés par les mesures de contrôle, d'internement ou d'assignation à résidence dans des hôtels ou dans des camps, les différentes lois sur le statut des Juifs excluent les Français considérés comme juifs de la haute fonction publique et de plusieurs professions, notamment l'enseignement, le barreau, la presse, la médecine.
L'abrogation des lois de Vichy se fait au rythme de la reconquête, dès 1943 en Afrique du Nord et en Corse, en 1944 dans l'Hexagone. Le nouveau code de la nationalité est adopté en 1945 et prévoit notamment que la femme peut désormais transmettre la nationalité française. La naturalisation est réformée : on repasse de trois à cinq ans de résidence minimum avant d'entamer une procédure, mais on facilite les démarches après.
Lors de la conquête, les habitants suivent le statut de leur territoire. En 1862, la cour d'Alger estime que «tout regnicole du pays conquis revêt par le seul fait de l’annexion la nationalité du pays au profit duquel l’annexion est faite»14. Cependant en 1865, un jurisconsulte créé un nouveau statut, l'indigène, que Yerri Urban qualifie de «troisième catégorie du droit de la nationalité»15. Sauf à passer par une procédure de «naturalisation», les habitants non-Européens des colonies sont nationaux sans être pleinement citoyens jusqu'en 1946, voir 1958 lors de la suppression du «double collège» en Algérie.
Au moment des indépendances ce statut est réactivé, puisque la loi française distingue les Français de «statut civil de droit commun» qui conservent la nationalité française, des personnes de «statut civil de droit local» qui la perdent sauf à souscrire une «déclaration recognitive de nationalité française» à condition de résider en France. Cette possibilité a été limitée dans le temps, jusqu'à la loi du 9 janvier 1973 applicable au 12 juillet 197316 pour les colonies d'AOF et d'AEF, jusqu'en 1965 pour les Algériens. Ensuite, les anciens français doivent utiliser la procédure de «réintégration», très proche de la naturalisation par décret.
Par contre, depuis le décret Crémieux, la pleine nationalité française a été reconnue à tous les Juifs d'Algérie. L'élaboration de ces textes a été reproché à Adolphe Crémieux comme une mesure discriminatoire favorisant ses coreligionnaires et défavorisant les musulmans. Mais, le judaïsme était une des religion reconnues en France depuis la fondation du Consistoire central israélite de France par Napoléon Ier. Une des conditions était qu'aucune règle ou disposition religieuse ne devait contredire les dispositions du Code civil. Il n'y avait donc pas de raison ou de possibilité légale de maintenir un statut indigène israélite similaire à celui des musulmans.
Avec la loi Lamine Guèye et la loi du 20 septembre 1947 portant Statut organique de l'Algérie, les Algériens musulmans sont devenus, officiellement du moins, des citoyens, conservant leur statut civil personnel, et appelés par l'administration des Français musulmans d'Algérie(FMA). Toutefois, si le statut de 1947 supprime le Code de l'indigénat, il légitime une nouvelle inégalité. Tous les habitants d’Algérie étaient désormais citoyens mais votaient dans deux collèges différents17, et le vote des femmes musulmanes, expressément prévu au statut de 1947, est différé jusqu'en 195818.
En métropole, cependant, les Algériens bénéficiaient des mêmes droits que les métropolitains sans devoir renoncer à leur statut personnel[réf. souhaitée]. Ils devenaient des migrants régionaux comme les Bretons et les Corses, avec le droit de vote, les mêmes droits et devoirs que les autres citoyens français19. L'article 3 de la loi de 1947 précisait « Quand les Français musulmans résident en France métropolitaine, ils y jouissent de tous les droits attachés à la qualité de citoyens français et sont donc soumis aux mêmes obligations ». Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, les musulmans ont dû, lors de leur rapatriement en France, réitérer le choix de la nationalité française, ce qui n'a pas été demandé aux Français de statut civil de droit commun20,21.
D'ordre symbolique, les soldats de la Légion étrangère, qui par définition peuvent être de nationalité étrangère, peuvent devenir Français, non pas par le sang reçu mais par le sang versé.
Sur le plan du droit, la nationalité peut être attribuée par d'autres ministères :